Manecho

Yves Rocher

L’innovation au service de la cosmétique végétale

Interview de Xavier Ormancey, Directeur Recherche & Innovation d’Yves Rocher
10 octobre 2015

Echo Conseil

Xavier Ormancey

« Une femme européenne se pose sur le visage en moyenne 3,8 kilos de produits par an ! »
A la fois botaniste, récoltant, fabricant et distributeur, le Groupe Yves Rocher a fait le choix de maîtriser l’ensemble du cycle de vie de ses produits : de la plante à la peau de ses clientes. Rencontre avec son directeur Recherche & Innovation, Xavier Ormancey.

Comment qualifieriez-vous le marché de la cosmétique ?

Notre métier est assez éphémère. La plupart des produits que nous lançons ont des durées de vie courtes, quelques mois pour le maquillage… Comme dans la mode, les gens veulent du changement. Les crèmes peuvent prétendre à des cycles plus longs, trois ans à cinq ans, voire plus si elles deviennent iconiques, mais c’est rare.
Côté parfum, 95 % d’entre eux disparaissent en quelques années. Portée par le rêve, l’imaginaire, notre industrie doit répondre constamment à la demande de nouveauté.
Dans ce contexte, les services de recherche et innovation sont des gros producteurs de nouveaux produits.
Chez Yves Rocher, nous sortons ainsi quatre cents nouvelles formules par an. Sur cet ensemble, environ 10 % sont porteuses de réelles innovations.

Comment génère-t-on de l’innovation ?

Dans une entreprise, l’innovation n’appartient pas à une personne ou à un groupe, elle est potentiellement partout. Le premier niveau consiste à générer des idées. Par la veille, l’étude du marché.
On observe les consommatrices, les tendances, ce qui se passe sur les blogs, on lit les problèmes des internautes, leurs soucis de cheveux, de peaux grasses, leurs désirs… Par exemple, nous nous sommes rendus compte que nombre d’entre elles préfèrent utiliser l’après-shampoing comme shampoing car il est moins agressif. Il y a un an, nous avons ainsi créé Low Shampoo, une crème lavante délicate pour cheveux, non moussante, qui se présente comme une façon différente de prendre soin de sa chevelure. Un autre niveau consiste à observer les évolutions extérieures à nos métiers, dans l’alimentaire, la pharmacie, la mode, le textile… L’idée est de s’interroger sures nouveaux besoins qui apparaissent sur ces secteurs afin de les associer, éventuellement, à notre ADN qui est celui des plantes, du végétal. Pour le packaging, par exemple, on s’inspire des tendances émergentes de l’alimentaire en nous tournant de plus en plus vers des emballages éco-conçus et la recherche de nouvelles gestuelles.

Qu’est-ce que le génie du végétal ?

Le végétal a des capacités exceptionnelles que nous explorons. Il s’agit de comprendre ses mécanismes et de voir s’ils sont transposables pour répondre aux besoins de la peau. C’est un travail de décryptage, de compréhension et de transposition. Avant de traduire ses propriétés en formules intégrant nos produits, nous réalisons de très nombreux tests visant à valider (ou non) son efficacité. Compte tenu des grandes quantités de produits commercialisés par notre marque, Yves Rocher doit aussi investir dans la culture afin de se garantir en matière première, en ressources renouvelables. L’ensemble du processus exige, ainsi, plusieurs années de travail, de recherche. A Madagascar, par exemple, nous avons identifié l’Aphloïa, un arbuste aux propriétés exceptionnelles. Nous avons capté dans sa sève une molécule active : celle-ci permet à l’arbre de réagir à des stress extérieurs et de se régénérer. Certains végétaux ont des capacités élevées à se réparer ! Concrètement, nous avons pu démontrer que cette molécule permettait de protéger la peau, avec une capacité de régénération certaine. Nous allons d’ailleurs lancer au début de l’été un nouveau produit à base d’Aphloïa qui propose un traitement global à la problématique de pollution urbaine et du vieillissement accéléré.

Que demandent les femmes d’aujourd’hui ?

Une femme européenne se pose sur le visage en moyenne 3,8 kilos de produits par an ! Cequi représente plusieurs dizaines de kilos sur toute une vie. Sans parler du corps, des cheveux… On peut comprendre, ainsi, que l’exigence de qualité, le besoin de sens soit très présent dans le discours des consommatrices qui veillent de plus en plus au bien-être de leur peau. D’autant qu’elles font désormais attention à choisir des gammes dépourvues de parabènes ou de perturbateurs endocriniens, de colorants, aujourd’hui fortement décriés.
Nos réponses cosmétiques doivent donc être de nature à satisfaire ces exigences de qualité. Il s’agit là d’un terrain fort d’innovation et de création.
L’industrie du cosmétique ne se focalise plus seulement sur la sensorialité ou la texture d’un produit mais axe davantage ses offres sur l’aspect naturel, protecteur dans le respect du développement durable.

©Yves Rocher – Shutterstock