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EasyShower adapte le domicile des personnes âgées

Interview de Régis ROCTON, Fondateur et gérant de la société Autonomie Confort Sécurité (ACS), distributeur des marques EasyShower et Crystalyne.
10 octobre 2014

Echo Conseil

Régis Rocton, PDG d’EasyShower

EasyShower est certainement, à ce jour, une des plus belles réussites du marché de la Silver Economie. Nous avons eu le plaisir de rencontrer Régis Rocton, le créateur de cette entreprise du Loir-et-Cher, pour qui le respect des personnes âgées est certainement la clef de la réussite de ce nouveau marché.

Qui êtes-vous régis Rocton ?

J’ai un profil de commercial, mon métier de base c’est la vente aux particuliers dans l’univers de l’amélioration de l’habitat (traitement de l’eau, isolation…). En 2003, j’ai créé ma propre agence commerciale et en 2004 on m’a proposé de vendre des baignoires à portes.
Très rapidement cette activité est devenue rentable, le marché était en pleine expansion. J’ai alors créé Crystalyne qui est devenue en quatre ans la première marque française de baignoires à portes. J’ai démarré seul, le siège de mon entreprise c’était mon domicile et puis l’activité s’est développée pour atteindre en 2009 4 millions d’euros de chiffre d’affaires avec 5 000 baignoires à portes installées en France.

ourquoi vous êtes-vous concentré sur le marché de la salle de bains ?

Il faut savoir que la salle de bains est la pièce la plus dangereuse de la maison ; 46% des chutes des personnes âgées se font dans la salle de bains.
En 2009, lorsque la crise arrive, la baignoire à porte était devenue par certains aspects un produit assez stigmatisant.
De nombreux clients me disaient qu’ils se faisaient installer une baignoire à porte mais qu’ils l’utilisaient comme une douche.
Il n’existait pas alors de système de douche facile à poser ; on immobilisait une salle de bains pendant 15 jours pour faire les travaux, on refaisait du carrelage… Ce n’était ni simple, ni facile à installer. Or la force de Crystaline, c’était justement le délais d’intervention qui ne durait qu’une journée. J’ai donc pris un papier, un crayon et j’ai dessiné ce qui allait devenir EasyShower.

Quelle a été votre démarche pour fabriquer ce produit ?

Je suis allé voir mon fabricant et je lui demandé de me fabriquer un moule. Il m’a répondu : « Combien allez-vous vendre de produits ?». Comme je n’en savais rien, il m’a demandé de lui payer les moules.
Et c’est comme cela que je suis devenu industriel, car progressivement j’ai acheté tous mes moules. Aujourd’hui nous sommes propriétaires de plus de 120 moules ! Je les donne à des fabricants qui travaillent la fibre de verre (pour les intérieurs de camping-car, les voitures de pompiers, les catamarans…), et qui fabriquent nos produits en fonction des commandes.

Quelle est la force d’EasyShower vis-à-vis de ses concurrents ?

Nos concurrents sont des gens qui font fabriquer en Chine des modèles standards qu’ils découpent sur place le jour de l’installation. Nous avons la démarche inverse : nous n’avons rien en stock, chaque douche est fabriquée à la prise de commande, à la main, selon la prise de mesures.
Au début de l’aventure nous étions limités par le nombre de moules car un moule coûte 24 000 euros ! Mais aujourd’hui, grâce à cette démarche initiale, nous pouvons répondre à toutes les configurations.

Comment se déroule une vente EasyShower ?

On visite d’abord nos clients, on prend les dimensions exactes et on choisit le moule le plus proche du cas de figure.
Comme on fabrique à l’unité, on peut faire la couleur que l’on veut là où les produits standards ne proposent que du blanc.
Aujourd’hui, nous avons 12 coloris en série, plus les couleurs réalisées sur mesure.

La plupart de vos clients choisissent le blanc ou la couleur ?

70 % des gens choisissent la couleur. Il faut bien se rendre compte d’une chose en matière de goût : la décoration intérieure des seniors d’aujourd’hui est très différente de celle que l’on voit dans les magazines de décoration contemporains. C’est une autre génération, on nous demande beaucoup de beiges, de crèmes, des marrons foncés. Si vous installez un produit en acrylique blanc dans ce genre d’univers, cela fait une tache blanche pas très heureuse.
Et puis le blanc est souvent une couleur stigmatisante pour les personnes âgées qui l’associent à l’univers médical, à l’hôpital.
Nous faisons très attention à la sensibilité de nos clients afin qu’ils ne se sentent pas stigmatisés par un équipement d’adaptation du domicile qui serait inesthétique. Et d’ailleurs, cette attention rajeunit notre clientèle. L’âge moyen de nos clients a considérablement baissé avec Easyshower. Aujourd’hui il est de 65 ans alors qu’avec la baignoire à porte il était de 75 ans. On va même jusqu’à 55 ans. On élargit de plus en plus notre cible.
Par ailleurs, nos produits sont fabriqués en fibre de verre avec une finition gel coat comme les coques de bateaux. Ils ont une durée de vie d’un siècle, la fibre de verre cela résiste à tout, c’est naturellement anti-bactérien et anti-moisissure ! Cette résistance plaît aux personnes âgées.

Comment s’organise votre distribution ?

Nos produits sont exclusifs, notre réseau est intégré, nous ne travaillons pas avec des revendeurs mais avec nos propres techniciens. Nous faisons tout du début à la fin.
Nous recevons environ 1500 demandes par mois de documentation, 700 sont transformées en rendez-vous et nous réalisons en moyenne 200 installations par mois. Une fois que les cotes sont prises, on lance la fabrication. 45 jours aprés la commande, on procède à l’installation.
La coque est posée en 6 heures, sans travaux de carrelage car celle-ci vient simplement se plaquer sur le carrelage pré-existant.

A votre avis, pourquoi les GSS de bricolage ne viennent pas sur ce marché ?

A mon avis, il est difficile aujourd’hui pour des acteurs de la grande distribution d’atteindre notre niveau de service, de précision.
En complément de la douche, nous faisons aussi les pare douches sur mesure, avec une gamme très étendue en terme de style. Nous proposons de la personnalisation, il est possible «d’imprimer» vos photos de vacances sur le pare douche !
Nous avons aussi développé un configurateur 3D, comme les cuisinistes, afin que le client se projette immédiatement dans sa future salle de bains…
De fait, notre taux de satisfaction est trés elevé et 30% de notre chiffre d’affaires est réalisé grâce au parrainage. Il y aura forcément d’autres concurrents sur ce marché mais nous avons quelques longueurs d’avance…
Et puis notre concept c’est de répondre à tout : du début jusqu’à la fin. Certains de nos clients ont de vrais problèmes de mobilité. Je les vois mal prendre leur voiture, aller chez Castorama ou Leroy Merlin… Nous, nous allons chez eux avec une prestation clef en main.
Notre offre intègre aussi le financement. Nous avons passé des accords avec le CIC et la Société Générale. Il y a un seul interlocuteur et les personnes âgées n’ont pas à chercher le plombier d’un côté, à acheter le carrelage de l’autre. On s’occupe de tout.

Vous avez réalisé d’autres partenariats ?

Nous avons un partenariat avec Bastide. Nous sommes présents dans tous leurs points de vente (115), dans tous leurs catalogues. Bastide, qui est l’enseigne de référence sur ce marché, a une très bonne qualité d’image qui convient bien à nos produits.
Avec Mondial Assistance nous avons créé un bouton d’alarme anti-chute intégré à la douche, directement connecté à leur central d’appels d’urgence. L’abonnement est offert la première année, puis c’est 18 euros par mois.
Pour la communication, nous avons signé un accord avec Bernard Hinault, car j’aime bien le sport et l’image qu’il véhicule. Mais toute la difficulté de notre communication c’est de parler du principe de précaution car nous avons deux types de clients : ceux qui sont déjà tombés, qui ont des pathologies lourdes (60%), et ceux qui sont en parfaite santé. A ceux-là, nous voulons faire comprendre que même en parfaite santé, à 70 ans, on peut chuter à tout moment et rentrer dans une vieillesse accélérée.

Quels sont vos projets de développement à moyen-long terme ?

La douche est notre coeur de métier mais nous voulons devenir la référence de l’aménagement de la salle de bains. Nous réfléchissons à développer une offre spécifique pour les bailleurs sociaux, les OPAC, HLM. Les budgets sont très serrés, mais les volumes peuvent être importants… Cela se fera sans doute avec une marque différente parce que je veux vraiment positionner EasyShower comme une marque de référence, de qualité. Cependant, même si nous faisons du volume, nous resterons sur de la production française.

C’est un argument de vente particulièrement sensible pour les personnes âgées ?

Oui. Mais moi aussi j’y suis sensible, cela crée de l’emploi et je suis très content de voir qu’au total on doit faire vivre 200 personnes.

Quel regard portez-vous sur le marché de la Silver économie ?

Adapter la société aux personnes âgées, c’est aussi penser à nous, car tout ce que l’on fait aujourd’hui pour adapter le domicile des plus de 65 ans va nous servir. Il y a une vraie vocation sociale dans notre métier et puis j’aime bien l’idée que nos chantiers ont peut-être évité à une, à dix personnes de se casser le fémur en sortant de la baignoire.
Mais on pourrait travailler le design d’autres produits destinés aux personnes âgées, comme le déambulateur par exemple, ce qui permettrait de changer le regard que l’on porte sur ces objets.

Mais pourquoi ce marché est-il si long à se mettre en route ?

Avec les produits actuels : « Tu es vieux et on te dit que tu es vieux » ! Mais la personnalisation change tout ! Seulement elle demande des procédés différents et une prise de risque. C’est peut-être cela qui freine ce marché. Et puis le contexte économique n’est pas favorable. Aujourd’hui, on veut conforter la belle croissance que l’on a connue. C’est notre objectif, nous voulons optimiser le travail déjà accompli avant de lancer de nouveaux produits.

Quel est, à vos yeux, le trait de votre personnalité le plus utile à votre quotidien de chef d’entreprise ?

Je pense toujours plus loin, 6 mois à l’avance… Et puis il y a quand même une bonne dose d’inconscience dans la création d’entreprise. Avec le recul je m’en rends compte aujourd’hui. Au début, quand je parlais de baignoires à portes, on me disait : ça existe ça ? Qu’est ce que j’ai pu en entendre !

Quels conseils donneriez-vous à un start-upper qui démarre son aventure de Silver entrepreneur ?

Ne pas penser à l’argent, même si c’est important. Il faut être convaincu de son produit et l’argent c’est une conséquence.
Il faut d’abord penser à l’homme, à l’être humain.
Ce qui m’a choqué dans l’univers de la Silver économie c’est le fait que beaucoup de gens y soient arrivés avec des dollars plein les yeux, pensant que c’était un eldorado… Or c’est un marché compliqué, plus compliqué qu’on ne le croit. Et puis s’attaquer à ce marché c’est proposer des produits à nos parents et à nos grands-parents. Il faut les respecter, ne pas vouloir faire un coup et repartir au bout d’un an, de 6 mois.
Pour moi, le respect est fondamental. Avoir une certaine éthique est nécessaire car le capital confiance est primordial pour les personnes âgées.

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