COVID 19 – Un chef d’entreprise raconte… #06 Gilles Mollard

COVID 19 – Un chef d’entreprise raconte : sa gestion de la crise, sa vision.

Interview de Gilles Mollard, PDG de Truffaut
14 mai 2020

« Le Covid-19 est un révélateur grossissant d’une culture d’entreprise, un accélérateur de tendances de consommation »

Quelles décisions avez-vous prises à l’annonce du confinement ?

Notre priorité a été de privilégier la santé des collaborateurs et celle des clients. Même si nous avions le droit d’accueillir le public en animaleries, nous avons préféré y renoncer et fermer totalement l’ensemble de nos soixante-cinq magasins. Nous voulions avoir le temps de mettre en place des mesures sanitaires dignes de ce nom. Le lundi 16 mars au matin, j’annonçais donc la nouvelle aux équipes. Avec le recul, je n’ai aucun regret, car cela nous a permis de préparer une reprise progressive, de rassurer l’ensemble des salariés sur l’organisation à venir. Même si la décision fut difficile : fermer alors que nous commencions les plus grosses semaines de l’année, n’a pas été simple. Sur les mois de mars, avril et mai, nous réalisons habituellement 40 % du chiffre d’affaires de l’année, et 110 % du résultat d’exploitation.

Comment avez-vous réouvert vos magasins ?

Dès le début du confinement, la Fédération nationale des métiers de la jardinerie, dont je suis l’un des vice-présidents, a plaidé la cause du végétal auprès du gouvernement. Nous avons eu la confirmation, le 6 avril, que nos surfaces pouvaient rouvrir. Truffaut a procédé de manière progressive : dès lors que nous avons pu avoir du gel hydroalcoolique en suffisance, des masques, et dès lors que notre organisation gérant les flux comme les mesures de contrôle a été au point. Nous avons fait appel au volontariat en ouvrant cinq jours sur sept.

Quelle organisation avez-vous mise en place pour faire face à cette situation inédite ?

Le siège a fermé le 16 mars également, avec l’instauration du télétravail, dans la mesure du possible. Nous avons mis sur pied un comité de direction quotidien : notre équipe passait en revue tous les sujets, de la santé des collaborateurs aux mesures de protection, en passant par les aspects logistiques, budgétaires… Ces visioconférences journalières nous ont permis de rester soudés, réactifs et très efficaces. Parallèlement, nous avons organisé des réunions hebdomadaires avec le Comité social et économique (CSE), pilotées par le DRH. Pour associer, consulter et informer en permanence les élus aux décisions de l’entreprise. Notre troisième initiative fut la création d’un site d’informations réservé aux collaborateurs de Truffaut : avec des questions-réponses, des communications de la direction, la mise à disposition de documents officiels internes, externes… Autre point important : j’ai appelé chaque patron de magasin. Pour prendre de leurs nouvelles, m’assurer notamment qu’ils avaient les bonnes instructions. J’ai aussi contacté nos fournisseurs, afin d’avoir leur vision de la crise, connaître l’état de leurs relations avec Truffaut.

Vous soulignez l’efficacité dont ont fait preuve vos équipes. Un exemple ?

Nous avons transformé notre offre de Clic & collect en Clic & drive, en quatre jours, sur cinq magasins test ! Aujourd’hui, il fonctionne sur la grande majorité de nos points de vente. Avec plus de sept cents commandes par jour, c’est une réussite totale. On draine de nouveaux clients qui veulent bénéficier de ce service. Je félicite les magasins et les équipes qui ont su s’adapter pour monter ce projet dans des délais très courts.

Cette crise va-t-elle provoquer des changements au sein du groupe qui fêtera ses deux cents ans en 2024 ?

Notre priorité est de pérenniser l’entreprise, avec comme fil conducteur la santé des collaborateurs et celle des clients. Si la crise n’engendrera pas de changement fondamental à notre niveau, elle va accélérer des tendances que nous avions déjà identifiées. Nous allons continuer à travailler les chantiers en cours, comme nos engagements RSE, notre volonté de labelliser d’entreprise B Corp, ou notre stratégie de Top Employeur. Dans notre programme d’offres, figurait, par exemple, le souhait de proposer du vrac : ici, les plans de végétaux ne sont pas conditionnés en pots mais disponibles en mottes. Le client les met dans des cagettes à sa disposition. Truffaut va développer ce modèle. De même, nous allons augmenter les productions végétales issues de France.

Et en matière de communication ?

Pour l’instant, nous avons supprimé les supports de communication en papier jusqu’au mois de juillet. Car notre site Internet, qui compte vingt-cinq millions de visiteurs par an, fonctionne très bien. Sans oublier nos communications via les SMS et les réseaux sociaux. Au premier trimestre 2020, le baromètre TubeReach, qui analyse sur YouTube le dynamisme de sept cents chaînes de marque, a classé Truffaut à la huitième place. Tous secteurs confondus. Et nous figurons sur la première marche du podium dans la catégorie enseignes de distribution. En plein confinement, nos vidéos ont comptabilisé 300 000 vues sur le seul week-end du 25 et 26 avril. Notre stratégie de contenus plaît. Depuis le 16 mars, notre marque s’adresse beaucoup aux clients, pour les rassurer sur nos mesures de protections, mais aussi pour leur donner de multiples conseils en matière de jardinage, de loisirs créatifs… Nous avions amorcé la communication commerciale sur les réseaux sociaux. Là, il va falloir l’accélérer.

Le digital a gagné en importance…

Oui. Aujourd’hui, nous avons une market place, on livre à domicile avec les producteurs hébergés sur notre site. Notre partenariat avec Amazon Prime, lancé y a deux ans, fonctionne bien. Nous avons les outils pour répondre à la demande qui très forte.

Avez-vous des projets en matière d’expansion ?

L’année 2019 a été fructueuse avec l’intégration de sept magasins supplémentaires. Évidemment, nous ne pourrons pas réaliser de telles opérations dans un futur proche. Nous sommes toutefois très heureux de l’ouverture prochaine de deux magasins à Paris, ainsi que de celle d’un corner dans le BHV du Marais. Aussi des affiliations sur un mode de franchise seront envisageables. Un autre relais de croissance est le B to B.

Êtes-vous optimistes pour l’avenir ?

On a une belle raison d’être, celle de connecter les gens à la nature, à la vie. Le jardin, c’est le bien-être par le végétal. Cet univers était déjà porteur avant l’arrivée du Covid. Il ne fait que le renforcer. Aussi, les équipes ont été au rendez-vous pendant cette période difficile. Cela nous ouvre des perspectives encourageantes. À nous tous de trouver le moyen de capitaliser sur ces atouts pour faire encore grandir notre marque.

©Truffaut