COVID 19 – Un chef d’entreprise raconte… #05 Thomas Delalande

Manecho

COVID 19 – Un chef d’entreprise raconte : sa gestion de la crise, sa vision.

Interview de Thomas Delalande, directeur associé d’IMPACT
12 mai 2020

« Notre positionnement sur l’impact social trouve tout son sens avec la crise que nous vivons actuellement »

Quelle est l’activité d’Impact ?

Né en 2008, Impact est un fonds d’investissement qui a la volonté de créer des opportunités économiques et des emplois dans les quartiers populaires. À ce jour, nos trente collaborateurs accompagnent plus de 150 entrepreneurs pour un total de 200 millions d’euros gérés. Avec une double promesse : celle d’une performance financière conjuguée intimement avec un impact social ou environnemental. Nous organisons également une quarantaine d’événements annuels pour animer nos différents écosystèmes.

Avez-vous perçu des signaux faibles annonçant la crise ?

Pas du tout. Nous savons par expérience que le pays vit une crise tous les dix ans environ. Nous avions observé la formation d’une importante bulle autour de certaines entreprises technologiques, notamment les éditeurs de logiciels et plateformes SaaS… Personne autour de moi n’imaginait la nature de la catastrophe que nous vivons actuellement.

Quelles ont été les décisions d’urgence que vous avez prises ?

La première semaine a été consacrée aux entretiens avec nos entrepreneurs et à la collecte d’informations sur leur business, pour qu’ils bénéficient, dans la mesure du possible, des différentes aides accordées. Nous avons dressé un récapitulatif et préparé les dossiers avec eux quand ils nous sollicitaient. La Banque Publique d’Investissement (BPI), entre autres, a activé des mesures exceptionnelles de soutien aux entreprises. Notre tableau de bord, rassemblant toutes ces données, est suivi semaine après semaine ; il permet de nous assurer que chaque entrepreneur a pu avancer dans les procédures et dispose de contacts utiles. Nous regardons également de près les différents décrets qui fleurissent.

Comment fonctionne Impact depuis la crise ?

Quelques personnes du backoffice viennent au bureau, car certaines tâches administratives doivent être gérées sur place. Les autres collaborateurs sont en télétravail. Notre métier s’y prête bien. Pour motiver l’équipe, nous faisons le stand up chaque jour à 9 h. Nous avons lancé des projets transversaux qui permettent de fédérer tout le monde, de faire une mise à jour des connaissances, sachant que nous avons récemment intégré plusieurs personnes étrangères. Nos sujets de réflexion sont divers : ils portent sur l’impact social, le fonctionnement d’une lettre d’intention, la présentation type faite aux entrepreneurs, etc.

Comment se portent les entreprises de votre portefeuille ?

À quelques exceptions près, elles résistent bien pour l’instant. Certaines entreprises sont même plus sollicitées qu’en temps normal, car elles produisent des services essentiels de la vie : médicaux, réseaux d’entraide ou formations à distance, qui jouent à plein en ce moment. Celles qui souffrent sont dans l’événementiel. Celles qui tiennent, mais méritent une surveillance accrue, sont dans le retail ou la restauration.

Face à la crise, Impact va-t-il freiner ses investissements ?

Je ne le pense pas. Au contraire. C’est une période importante pour nous. Premièrement, les entreprises sociales ont une page très importante à écrire en ce moment. Deuxièmement, il est toujours préférable d’investir dans les entreprises quand les prix sont justes et réalistes. Notre logique consiste à acheter à des prix raisonnables pour redistribuer de la valeur en sortie à tout le monde, y compris aux dirigeants et salariés. Nous continuons donc d’intensifier notre prospection en Europe et d’avancer sur les dossiers à l’étude, même si, pour certains, notre engagement sera probablement décalé d’un mois ou deux, car les business plans doivent être revus (BP post-Covid), compte tenu de la situation. Dans une opération de « mariage à durée déterminée », décisive dans la vie d’une équipe d’entrepreneurs, personne ne doit se mentir. C’est capital. Par ailleurs, nous allons continuer à prospecter des secteurs portant sur des besoins essentiels de la vie, comme la santé, l’éducation, le logement, ou l’alimentation. Notre positionnement sur l’impact social est en phase avec la crise que nous vivons actuellement. Il a du sens et intéresse, d’ailleurs, de plus en plus de souscripteurs, comme les family offices ou les mutuelles, qui témoignent d’une forte envie d’aller dans l’investissement à impact social. Nous vivons une période historique à tous les niveaux de la chaîne.

Y a-t-il une image qui vous a marqué pendant cette période ?

Il y a l’image de L’Atelier des Chefs : cette entreprise que nous avons accompagnée – aujourd’hui leader du cours de cuisine en Europe, et acteur majeur du web culinaire – a dû fermer ses ateliers pendant le confinement. Les salariés ont mis tout leur matériel de cuisine, les plans de travail, les tables, les ustensiles sous film alimentaire. Tout est gardé au propre, il leur suffira de l’ôter pour reprendre l’activité. Cela m’a fait penser à la Belle au Bois Dormant ! Elle est juste endormie, reste à finir de combattre la terrible sorcière. Heureusement, l’entité de formation en ligne se poursuit et s’est amplifiée, car de très nombreux centres d’apprentissage ont adopté, le lendemain du confinement, l’offre de formation aux métiers manuels.

©Impact