Perspectives 2022

Perspectives 2022

10 janvier 2022

Avec la crise, les Français ont bougé, dans leur façon de consommer, mais aussi géographiquement. Même si le retail a déjà enregistré des changements durables pour faire face à ces évolutions, trois priorités s’imposent à lui en 2022 s’il veut gagner la bataille : redéfinir ses business models, améliorer l’offre et former les collaborateurs.

Le constat est là. Les Français font moins la cuisine… De fait, le nombre de repas préparés à domicile baisse, notamment au profit des restaurants qui ont développé la commande en ligne : 85 % des chaînes de restauration ont mis en place des solutions de livraison et de click & collect, contre 17 % avant la pandémie ! Une récente étude d’IRI montre que les repas livrés à la maison, principalement par Uber Eats et Deliveroo, représentent déjà un chiffre d’affaires proche de celui du drive. Mécaniquement et hors télétravail contraint, les gens feront moins leurs courses dans les grandes surfaces alimentaires (GSA), dont la part d’estomac va régresser. En outre, ces mêmes consommateurs ont tendance à diversifier leurs achats en s’approvisionnant de plus en plus auprès des circuits courts, et chez des artisans des métiers de bouches, qui connaissent un retour en grâce.

L’e-commerce alimentaire a le vent en poupe

Parallèlement, l’e-commerce alimentaire continue de gagner des parts de marché. Les ventes en ligne proviennent à 90 % du drive. Pour autant, la livraison à domicile est très dynamique et voit fleurir pléthore d’acteurs dans le quick commerce (promesse de livraison en quelques minutes). Un début de consolidation sur ce segment spécifique est déjà en train de s’accélérer. Car il faut des poches profondes pour financer les coûts logistiques liés à l’immédiateté !
Autre fait notable. 7 % des Français ont déménagé depuis le début de la crise : ils ont notamment quitté les grosses agglomérations pour les banlieues et les villes moyennes. Certaines zones, comme le littoral atlantique et le quart sud-est, ont fortement bénéficié de ces flux. Ainsi, on constate dès à présent une perte d’importance de Paris et de l’Ile-de-France dans l’achat des produits de grande consommation (PGC). Quant à l’équipement de la maison, le bricolage et le jardinage, ils vont continuer d’être portés par le volume élevé des transactions immobilières qui a atteint 1,2 million en 2021.

Menace inflationniste

Cependant, un gros nuage plane au-dessus de nos têtes, celui du retour de l’inflation. Il est causé par plusieurs hausses de prix : celles des matières premières, de l’énergie, du transport et des salaires. Les négociations commerciales sont en cours avec des hausses de tarif demandées par les industriels du PGC dépassant souvent les 5 %. Concernant le non food, ce sera encore plus élevé. A titre d’exemple, Ikea a annoncé une hausse moyenne de ses prix de vente de 9 %. Dans les prochaines semaines, il sera intéressant d’observer l’évolution des étiquettes prix et l’intensité promotionnelle pratiquée par chacune des enseignes. L’inflation va faire monter les taux d’intérêt et les salaires. En période électorale, le sujet du pouvoir d’achat reste central chez les Français, et la hausse des salaires ne compensera probablement pas celle des prix. Ce contexte profitera aux discounters, aux déstockeurs et à la seconde main. Un avantage pour Aldi qui va bénéficier des remodelings des ex-Leader Price.

Redéfinir les business models

Parmi les trois priorités pour réussir en 2022, il faut tout d’abord redéfinir les business models. Il y a nécessité d’investir rapidement, d’adapter les concepts dans les zones qui connaissent un afflux de population et de réduire les surfaces où la densité commerciale est trop forte. Dans les grandes agglomérations, la baisse démographique et la croissance du e-commerce alimentaire vont accentuer la pression sur les formats de proximité. Concernant le non food, il reste des zones à couvrir avec des concepts hybrides (produits disponibles en magasin et complément d’offre sous 24 heures) avec une offre servicielle étoffée. Les enseignes disposent encore de leviers pour dégager des économies en réduisant leurs coûts de distribution (prospectus, encaissement…) au profit du e-commerce : car elles pourraient affecter ces gains à la modernisation de la chaîne logistique afin de mieux rentabiliser la préparation des colis et le transport.

Améliorer l’offre

En second lieu, l’amélioration de l’offre constitue un impératif. Entre un consommateur focalisé sur la fin du monde, qui veut manger sainement, avec plus de bio, de local et d’éthique, et un Français préoccupé par la fin du mois, les acteurs du marché n’ont pas d’autres choix que de trouver des réponses adaptées à chacun. Aujourd’hui, le client fait plus d’efforts que les marques pour se réassurer sur la santé, l’origine, la sécurité, la durabilité, la biodiversité. Ce sont les marques qui doivent guider le client dans ses critères ! Il y a là une véritable opportunité pour les MDD qui peuvent construire des communautés clients autour de ces enjeux. De plus, suivre les tendances de consommation avec des solutions repas livrées à domicile, trouver des produits plus haut de gamme, proposer du « fabriqué en France » pour le non alimentaire, constituent des leviers de croissance à pousser davantage.
Soulignons encore que la seconde main, qui connaît un engouement croissant, notamment auprès des jeunes générations, devient incontournable. Par ailleurs, on observe un ralentissement du bio causé par une baisse des achats des foyers modestes et un transfert vers le local.

Formation : en avant toute !

Enfin, la formation des collaborateurs reste un enjeu majeur. Devant la difficulté à recruter, il faut encore plus former. Former les experts comme ceux des métiers de bouche. Former les vendeurs pour assurer la montée en gamme de la relation client au risque que le magasin ne soit qu’un show-room du site internet. Former au management avec la généralisation du télétravail qui va se poursuivre avec de plus en plus d’accords signés au sein des entreprises. Former les collaborateurs moins qualifiés pour développer leur employabilité face aux ruptures technologiques à venir.
C’est aussi cela une marque employeur, et le retail plus que jamais doit s’engager dans cette démarche pour réussir !

Bonne année à tous et bonnes ventes.

Patrice Quinqueneau est associé chez ManEcho. Après une expérience de trente ans dans la distribution (Biens d’équipement et Carrefour), il crée en 2013 avec Mathilde Ducasse le cabinet de conseil ManEcho.
ManEcho intervient en France et à l’international auprès des dirigeants des marchés de consommation et de distribution dans la définition et la mise en œuvre de leurs stratégies.