L’exode urbain va chambouler les distributeurs
L’exode urbain va chambouler les distributeurs
9 février 2022
7% des Français ont déménagé depuis le début de la crise sanitaire : ils ont notamment quitté les grosses agglomérations pour les banlieues et les villes moyennes à la recherche d’une vie meilleure. Ces mouvements de population ne sont pas sans conséquences pour les distributeurs.
Certaines zones, comme le littoral atlantique et le quart sud-est, ont fortement bénéficié de ces importants flux. 2021 s’est terminé avec 1,2 million de transactions immobilières.
Par ailleurs, les Français s’emballent à nouveau pour les résidences secondaires qui culminent à 3,6 millions de logements. Grâce à l’essor du télétravail, ces habitations deviennent semi-principales.
L’exode concerne principalement les catégories de personnes à pouvoir d’achat confortable. Une aubaine pour les cités concernées qui, dans certains cas, voyaient leur population vieillir et se paupériser. Toutefois, ces agglomérations devront satisfaire les attentes des nouveaux résidents souvent exigeants (écoles, équipements sportifs, culturels…), sans décevoir la population locale, parfois moins aisée.
Attirer de nouveaux habitants
Afin de répondre aux désirs d’évasion des citadins, les municipalités ont mené des campagnes de communication, vantant leur attractivité. Et parfois, ce sont les entreprises qui investissent dans un objectif de recrutement. À l’exemple de Gifi qui, en décembre 2021, a pris la parole dans le métro parisien pour inviter les habitants d’Ile-de-France à venir travailler à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), où se situe son siège.
Ces mouvements de population ne sont pas sans conséquences pour les distributeurs : ils devront ajuster leurs stratégies d’implantation et d’investissement afin d’avoir des magasins situés au bon endroit avec les bons concepts commerciaux. C’est bien sûr un des principes de base de la gestion d’un réseau commercial, mais la rapidité de ces mutations demande d’agir sans tarder.
Les grandes enseignes alimentaires maillent parfaitement le territoire national. Intermarché dispose d’un magasin tous les dix-sept kilomètres. Biocoop ambitionne d’avoir un point de vente toutes les quinze minutes en voiture. Mais concernant les enseignes du non alimentaire et du discount comme Action, il y a encore de nombreuses opportunités d’implantation.
Rationalisation des points de vente
Une rationalisation des surfaces de vente va s’imposer. Sont concernés, en priorité, les départements faisant partie de la diagonale du vide (ligne comprenant peu ou prou les départements situés entre les Landes et la Moselle) où la densité commerciale, c’est-à-dire le nombre de mètres carrés commerciaux pour mille habitants, est la plus élevée de France. À titre d’exemple, la Nièvre dispose de 591 m² contre 400 m² pour la moyenne nationale.
Paris est dans une situation difficile. Certes, c’est dans la capitale que les nouveaux concepts fleurissent – drive piéton, click and collect, quick commerce (livraison à domicile en quelques minutes), casiers, seconde-main – mais c’est aussi la ville qui connaît le plus mauvais ratio arrivées / départs habitants. Pour la rentrée 2021, ce sont six mille élèves de moins dans les écoles parisiennes et le taux de vacance des boutiques est supérieur à 11 %. On constate, dès à présent, une perte d’importance de Paris et de l’Ile-de-France dans l’achat des produits de grande consommation (PGC) dans notre pays.
La modernisation des points de vente se fera sous la contrainte de la nouvelle loi Climat et Résilience visant à stopper les futures implantations de grandes surfaces commerciales pour lutter contre l’artificialisation des sols. Ainsi, pas de nouvelles zones ou extensions de celles existantes au-delà de 10 000 m². Ce dispositif touchera principalement les grandes agglomérations, c’est-à-dire celles qui ont des difficultés à recruter de nouveaux habitants.
Pour les autres, et notamment celles qui ont gagné en population, il faut accélérer la modernisation, car les habitudes prises par les consommateurs ne vont pas cesser avec leurs déménagements. Cette clientèle, composée de familles avec enfants et pouvoir d’achat confortable, est fortement digitale.
Magasin hybride
Dans un contexte de progression continue du e-commerce (plus de sites, d’acheteurs et de chiffre d’affaires), le magasin de demain sera hybride (produits disponibles en magasin et complément d’offre sous quelques heures). L’offre servicielle va continuer de s’étoffer, à l’image de la très forte croissance des repas livrés à domicile ou de la location. Le champ des possibles est énorme à l’heure où Walmart propose à ses clients américains de les livrer jusqu’à leur réfrigérateur.
Les besoins en investissement pour moderniser la chaîne d’approvisionnement et la robotisation de la logistique sont importants. Prime aux plus rapides et surtout aux plus riches des retailers qui vont favoriser l’accélération de la consolidation du secteur.
Patrice Quinqueneau est associé chez ManEcho. Après une expérience de trente ans dans la distribution (Biens d’équipement et Carrefour), il crée en 2013 avec Mathilde Ducasse le cabinet de conseil ManEcho.