Manecho

Biscuiterie POULT

« Favoriser l’autonomie en entreprise, le collectif et l’ouverture sur l’extérieur »

Interview d’Alexandre Dandan, Innovation Leader Biscuiterie POULT
10 avril 2015

Echo Conseil

Alexandre Dandan
Innovation Leader

Repenser sa stratégie, sa façon de travailler, son organisation, pour faire place à la créativité collective, au management participatif, valorisant des équipes autonomes dans un climat convivial. Tel fut le tournant pris il y a quelques années par Poult, fabricant français de biscuits, aujourd’hui force de propositions face à ses clients distributeurs. Explications d’Alexandre Dandan, responsable de l’Innovation pour le Groupe.

Depuis quelques années, votre entreprise place l’innovation au cœur de son fonctionnement. Pour quelles raisons ?

L’entreprise a vécu des périodes difficiles dont il a fallu sortir. Ce fut l’occasion d’une grande remise en question, d’une interrogation sur notre travail, les méthodes, les conditions dans lesquelles nous devions avancer pour pérenniser les emplois, pour changer la logique qui subissait les cycles économiques. Dans ce contexte, une première réflexion a été conduite sur la notion d’entreprise libérée, d’entreprise enthousiasmante, permettant de vivre une aventure humaine et collective.
A partir de 2006, les équipes se sont réunies pour décider, ensemble, comment elles voulaient travailler demain. Des choix stratégiques ont été faits, comme celui de se tourner vers l’international. Il fut également décidé d’exercer des activités à valeur ajoutée et proposer des innovations aux distributeurs. Dans cette perspective, l’entreprise a voulu mettre en place un management garantissant davantage d’agilité aux équipes. Par exemple, l’usine entière a été arrêtée afin que tout le monde puisse se réunir autour d’un work café pour définir les conditions de travail, les valeurs, les principes futurs de l’entreprise.
Est née de cette réflexion commune, par exemple, la suppression de deux strates hiérarchiques, chef de ligne et contremaître. Aujourd’hui, le personnel est mieux formé, plus responsable et a gagné en autonomie.

Comment travaillez-vous pour faire vivre l’innovation au quotidien ?

La cellule Recherche & Développement est passée à onze personnes, contre quatre auparavant. Notre équipe Innovation compte aujourd’hui quatre salariés. Notre mission consiste à créer les bonnes conditions en interne pour que tout le monde, au quotidien, puisse être innovant.
Le défi, c’est de coller au changement externe, d’être toujours en mouvement. Tout d’abord, notre culture managériale favorise l’autonomie et la collaboration. Nous avons cassé les silos, supprimé des niveaux hiérarchiques, cassé les barrières entre tous les métiers. Désormais, des équipes transverses, projets, travaillent ensemble. On a mis des outils à disposition des salariés tels que notre réseau social d’entreprise, chacun pouvant s’inscrire s’il le souhaite, pour y retrouver des collègues, y partager de l’information, faire de la gestion de projet, de la veille. Il y a les ateliers du mardi. Les rencontres entre les gens sont primordiales. De même, nous avons développé un système de vidéo conférence pour tous, Skype, en one to one, afin de mieux travailler à distance. Nous organisons des formations à la créativité, à l’animation de réunion.

Vous insistez sur l’open innovation…

C’est notre deuxième axe. Une fois qu’on a les moyens de travailler ensemble, en interne, de communiquer à l’intérieur même de l’entreprise, de partager nos valeurs, le respect, la convivialité, on peut aller à l’extérieur. L’open innovation consiste, ainsi, à rencontrer les différents acteurs de notre écosystème, à savoir, les incubateurs, les étudiants, les scientifiques, les enseignants, les fablabs… Nous avons tissé des partenariats avec des espaces de coworking, des cantines. Aujourd’hui, on ne peut plus se passer de l’extérieur. Par exemple, nous collaborons avec les start-up. Nous les sollicitons pour agir sur des domaines relevant de notre cœur de métier (la production de biscuits) afin d’imaginer les produits de demain qui vont nous démarquer des concurrents et aussi apporter des innovations aux distributeurs. Ce n’est pas tout. Avec elles, nous explorons les fonctions support, comme la finance, la comptabilité, le marketing, dans l’objectif d’améliorer nos manières de travailler, nos process. Il y a deux ans, nous avons, ainsi, ouvert un « start-up programme » qui nous a permis d’en identifier mille cinq cents. Nous en avons rencontré une centaine et aujourd’hui, nous conduisons une dizaine de projets ensemble.

Des exemples d’innovation ?

En partenariat avec la Clinique Pasteur, la start-up Ubleam, spécialisée dans la reconnaissance visuelle de logo et la coopérative Arterris, le Groupe Poult a créé un biscuit connecté pour informer lesconsommateurs sur ses bienfaits. Il s’agissait de proposer un biscuit bon pour la santé, respectueux de l’environnement et interactif, réunissant nutrition, technologie et information.
L’application permet à une image d’apparaître en réalité augmentée. Concrètement, l’utilisateur flashe le logo apposé sur l’emballage du biscuit. Le gâteau apparaît avec des informations et des programmes dédiés à la santé, l’éducation thérapeutique ou encore l’éducation à la protection de l’environnement. Il a été distribué lors des goûters des enfants à l’occasion de la COP 21.
Dans un tout autre domaine, nous travaillons actuellement avec une start-up qui révolutionne le traitement des notes de frais, l’idée étant de perdre le moins de temps possible sur ces tâches ingrates pour nous concentrer davantage sur des activités à plus forte valeur ajoutée. Quand nous nous rapprochons de start-up, notre idée est de les accompagner, de les responsabiliser pour qu’elles deviennent, demain, des PME. Notre but est le partage de connaissances et de valeurs.

Vous avez lancé un incubateur interne. De quoi s’agit-il ?

Ce dispositif permet d’aider les entrepreneurs internes au groupe Poult (que nous appelons les intrapreneurs), à monter leurs projet. L’idée est de laisser libre cours à l’imagination de nos salariés et de les accompagner pour qu’ils mènent à terme leurs projets. Ces personnes peuvent travailler sur des aspects liés au business, à la philosophie de l’entreprise, à sa culture… Une quinzaine de projets sont, ainsi, passés entre les mains de l’équipe incubateurs, et nous en avons incubé quatre. Par exemple, La Légumerie a été créée il y a deux ans par une ancienne contrôleuse de gestion en interne, devenue intrapreuneur. Il s’agit d’un camion, un food truck, qui a pour ambition de mettre à la disposition de tous, des fruits et légumes bio, locaux sous toutes leurs formes : en fraîche découpe, en petits plats, cuisinés maison, en buffets traiteur durable… Le camion est présent sur les parkings d’entreprises et centres commerciaux de la région toulousaine.

Qu’est-ce que le Poult Open Lab ?

Le Poult Open Lab sera un accélérateur de projets pour expérimenter et tester les produits de demain. Pour l’heure, notre stratégie n’est pas de posséder un seul lieu unique, car nous avons plusieurs centres de production en France et nous souhaitons que tout le monde soit acteur. En fonction des projets, des demandes et des besoins des salariés, nous installerons un laboratoire éphémère sur place.
Il s’agira de mettre à disposition des gens qui ont des projets, à Toulouse, en Bretagne, ou ailleurs, par exemple, une imprimante 3 D, une découpe laser qui aura vocation à disparaître quand le projet sera terminé. Ce sera nomade. Nous souhaitons aussi nouer des partenariats avec des fablabs régionaux.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Nous continuons d’explorer des sujets forts : la digitalisation de l’entreprise, l’impact du numérique sur notre modèle économique, notre écosystème (la grande distribution, les fournisseurs, comment allons-nous acheter demain ?…). Nous réfléchissons à l’industrie du futur, la relation machine to machine, la robotisation, l’homme augmenté…
Nous pilotons également des projets autour de l’impression 3 D alimentaire. Notre objectif est de continuer à pérenniser l’innovation pour monter en compétences. Il faut sortir du cadre, pousser les collaborateurs à sortir, aller à des conférences, se déplacer.
La rapidité d’exécution est également un facteur clé de réussite : nous travaillons beaucoup en expérimentation, en test & learn, preuve de concept, on essaie d’accélérer certains processus. Nous voulons rendre l’entreprise plus souple et plus agile !

Le Groupe Poult en bref
Acteur national, le Groupe Poult possède cinq usines de production en France, deux en Bretagne, une dans le Loiret, deux dans le sud-ouest. Le siège social est à Toulouse. Le Groupe compte 750 salariés, fabrique 330 millions de paquets de biscuits (60 000 tonnes de produits, 23 lignes de production) pour un chiffre d’affaires annuel de 180 millions d’euros. Environ 20 % de sa production part à l’international.

©Biscuiterie POULT – Shutterstock